Réflexions philosophiques sur la société

Comme la moitié de la population mondiale, je suis née fille. On m’a appris à être respectueuse, à bien m’habiller, à me maquiller … À faire tout un tas de choses mais surtout on m’a appris à faire attention. On m’a appris que rentrer seule quand il faisait noir n’était pas sûr. On m’a appris que trop se maquiller ou mettre des vêtements trop courts et/ou décolletés était vulgaire et attirerait l’attention de personnes  dont je ne voulais pas l’attention. On m’a appris qu’il fallait que je fasse attention à mes actes, mes paroles, mon apparence si je ne voulais pas qu’il m’arrive quoi que ce soit.

Et ce n’est qu’il y a quelques années que je ne suis rendue compte d’à quel point c’était absurde. Pourquoi est-ce que des choix personnels comme celui de ma tenue devraient-ils être tenus pour responsable des actions d’autres personnes ? En discutant avec des amies et au fil de recherches sur Google (is my friend), j’ai enfin pu mettre un nom sur cette façon de penser que l’on perpétue depuis des siècles : la culture du viol.

Alors, je sais, ça paraît violent comme expression. MAIS, prenez une seconde pour penser à une personne qui a été victime d’un viol. Quelles seraient les premières questions que vous vous poseriez ? Si jamais je vous dis que cette personne connaissait son agresseur, est-ce que vous pouvez m’assurer que personne dans votre entourage plus ou moins proche ne demanderait si elle n’avait pas un peu chauffé son agresseur ? Que personne ne demanderait ce qu’elle portait ? Que personne ne dirait « elle l’a un peu cherché quand même » en se basant sur son apparence, sa conduite ou autre ? Non, vous ne le pouvez pas (ou alors vous avez vraiment un entourage génial).

Au final, il s’agit de dire que si jamais tu te fais violer, c’est que forcément tu l’as un peu cherché. On est tous d’accord pour dire que c’est complètement débile et qu’au final tout ce que ça fait c’est faire encore plus de mal aux personnes qui sont victimes d’un viol ou de tout autre agression sexuelle.

L’argument principal derrière cette façon de penser c’est que faire attention à ce qu’on fait/porte/dit/à où on va permet d’éviter de se retrouver dans ce genre de situations et que cela a donc une certaine utilité. Le problème c’est qu’environ 80% des viols sont perpétrés par une personne que la victime connaissait(1). Et je ne sais pas vous mais généralement, quand on est avec quelqu’un que l’on connait on n’a pas tendance à s’attendre à ce genre d’agression – ce qui, pour moi, ne fait que rajouter à la violence de la chose et au traumatisme que cela engendre. Là vous vous dites (ou au moins certains d’entre vous), « ok elle donne des arguments sur pourquoi les personnes victimes de viols (homme ou femme) ne faisaient pas attention à ce qu’elles faisaient, mais ça ne veut pas dire qu’elles n’étaient pas habillées d’une façon qui a poussé l’agresseur(e) à faire ce qu’il/elle a fait! ». Et moi, je vous sors le projet réalisé par une étudiante américaine pour démonter ce stéréotype : elle a photographié les vêtements que portaient un certain nombre de ces personnes le jour de l’agression(2). Les seules personnes à avoir répondu à son appel sont des étudiantes mais cela donne tout de même un aperçu de l’absurdité de demander à une victime ce qu’elle portait.

 

Comme cela est dit dans l’article dont cela est tiré, cela revient à condamner la victime avant même de connaître les faits pour mieux protéger le coupable. Et surtout, c’est oublier le fait le plus important : la personne qui est responsable d’un viol ou d’une agression est toujours l’agresseur(e) car c’est lui/elle qui a pris la décision de passer outre le consentement de la victime. Pour résumer tout ça, deux visuels que je trouve assez parlants :

 

Outre le fait que tout ce que j’ai écris plus haut montre clairement qu’il y a un gros problème sur la façon dont le viol est perçu dans la société (aka culture du viol). Je pense que tout ceci est finalement relié à deux autres problèmes assez sournois.

  1. Le fait que tout ce qui est considéré comme le fait de montrer une faiblesse sera confronté à une volonté de camoufler cette faiblesse voir même de l’agressivité, et souvent on blamera cette personne qui montre une faiblesse (selon leurs critères). Ce que j’essaie de dire assez maladroitement, c’est que l’on nous renvoit l’image dans la société actuelle qu’il n’est pas acceptable de s’afficher comme étant « faible ». Que ce soit une personne qui a été victime de violence (notamment domestique), d’agression, de vol … on retrouve toujours l’idée que finalement la victime aurait pu éviter cela ou même « qu’elle l’a un peu cherché ». Bien entendu, dans certains cas les réactions ne sont pas aussi violentes, je pense notamment aux cas où ces violences sont infligées à des enfants, mais cela reste tout même prégnant dans l’inconscient collectif. Et même du côté des personnes qui ont subi ce genre d’évènements, on a un sentiment de honte qui les pousse dans un grand nombre de cas à ne pas porter plainte. Au final, on en vient à se demander si ce n’est pas le fait de se savoir aussi impuissant face à ce genre de menaces qui pousse certaines personnes à condamner aussi violemment certaines victimes. Et puis y’a des cons aussi.
  2. Le fait que la société a décidé au cours de l’histoire de traiter la femme comme un objet sexuel et une femme de ménage. Comme si la moitié de la population mondiale n’était bonne qu’à attendre un mari tous les soirs nue sous un tablier en lui demandant s’il préfère un bain, dîner ou elle. En fait, je crois que cette sexualisation ne touche pas uniquement pas les femmes, c’est juste que les hommes sont affectés de manière différente. Mettre une mini-jupe, un décolleté, des beaux sous-vêtements, se mordre la lèvre, lécher un esquimau, se mettre en maillot de bain … tout cela semble renvoyer à un moment ou à un autre au sexe. Pour les hommes, l’attention est toute différente. Les hommes sont supposés être ces céatures hyper sexuelles, qui ne pensent qu’au sexe et sont incapables de résister à leurs pulsions. Je schématise et je grossis le trait mais en soit, c’est ce qui est impliqué par la représentation de l’homme dans les médias. Ce qui revient au final à les déresponsabiliser en cas d’agression sexuelle ce qui est débile. Toute personne est responsable de ses actes. Et surtout, cela veut dire quoi que tous les hommes sont des bêtes incapables de discernement et capables de sauter sur tout ce qui bouge ? Je ne crois pas non. Cela dessert grandement et les hommes et les femmes.

Mais le plus important je crois, ce n’est pas d’adhérer ou non à tout ce que j’ai écris plus haut, mais plutôt de ne pas accepter aveuglément tout ce que la société nous forme à être et nous faire notre propre opinion.

PS : Si vous voulez continuer sur le thème de la condition de la femme, je vous conseille cette vidéo : Et tout le monde s’en fout – Les femmes

(1) Site web du Haut Conseil à l’Egalité entre les Femmes et les Hommes

(2) « Cette photographe expose ce que portaient des étudiantes victimes d’agression sexuelle« , Huffington Post, Priscilla Frank, 05/05/2016

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